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Georges Vancauwenberghe (1853-1929)

Né le 3 décembre 1853 à Dunkerque, décédé le 13 janvier 1929 dans sa commune de Saint-Pol-sur-Mer, Georges Vancauwenberghe est parfaitement représentatif des industriels du Nord qui mêlent étroitement actions politique et sociale. Patron paternaliste soucieux de morale, il mène à terme durant ses différents mandats électifs d’importants projets sociaux et sanitaires.

Une carrière politique au service des autres.

            Fils d’industriel, Georges Vancauwenberghe intègre l’Institut Industriel du Nord à Lille en 1873 d’où il sort deux ans plus tard avec un diplôme d’Ingénieur. Remplissant ses obligations militaires immédiatement après sa sortie d’école, il est nommé à son retour directeur de la filature de lin fondée par son père et H. Davenport sur le territoire de la future commune de Saint-Pol-sur-Mer, encore dépendante de Petite-Synthe. C’est que l’usine est importante : construite en dehors de la ville fortifiée de Dunkerque en bordure d’un canal mort pour acheminer les pondéreux, elle emploie près de 2.000 ouvriers et ouvrières et a constitué autour d’elle un important noyau urbain.

            A la création de la commune en 1877 – elle est l’antépénultième création du département du Nord – il en est nommé maire immédiatement et garde cette charge jusqu’en 1910. Sa carrière politique connaît un essor sensible : en 1893, il entre au Conseil d’Arrondissement de Dunkerque dont il assure la présidence pendant 20 ans, en 1904, il est élu Conseiller Général et est élu Président du Conseil Général de 1910 à 1922. Durant cette période, et notamment pendant la Première Guerre mondiale, il ne délaisse pas le littoral dunkerquois, s’y montrant à de multiples occasions.

            Durant son mandat majoral, il construit les infrastructures de la nouvelle commune car bien qu’elle ait bénéficié de la générosité de la veuve Hubert-Boulanger, dont l’époux fut maire de Petite-Synthe, tout y est à faire : pavage des rues, construction d’une mairie-école, adduction d’eau aux pompes publiques (l’adduction d’eau n’est réalisée qu’à partir de 1906 dans l’agglomération dunkerquoise), construction d’une usine à gaz, électrification, tramway et mise sur pied de services sociaux.

Le "père des malades"

            Le bilan sanitaire du Nord n’est guère brillant en ce XIXe siècle finissant : nombreux sont les enfants qui – n’ayant pas des conditions de vie salubres – sont atteints de rachitisme et de scrofules, se manifestant notamment par des abcès. Et encore n’est-ce là que la partie émergée de l’iceberg puisque d’autres maladies contagieuses ravagent les populations les plus faibles et les plus démunies.

            Pour soigner rachitiques et scrofuleux, il existe bien un établissement mais il se situe à Berck, ce qui constitue – par la distance – un sérieux obstacle pour leur dispenser des soins de qualité. Il importe donc de démontrer la validité d’un accueil sur le littoral dunkerquois. En 1886, il obtient un premier envoi d’enfants dans des familles de pêcheurs de la côte. Seul maire ayant répondu positivement à son appel, le maire de Gravelines, M. Demarle, place une quinzaine de filles alors que Vancauwenberghe, trouve des familles d’accueil pour autant de garçons. Malgré tout, ils reçoivent assez peu de soins car pour les familles, ils sont autant de revenus complémentaires, les accueillants n’ont pas la formation requise et, il faut l’avouer, l’aspect des lésions n’est pas toujours engageant, empêchant d’ailleurs le placement de nombre de petits malades.

            Bien qu’il n’intervienne pas dans les décisions d’ordre médical, Vancauwenberghe cherche par tous les moyens à prouver la validité de son idée, aussi fait-il établir un suivi scrupuleux des enfants à l’entrée et à la sortie du séjour (poids, taille, aspect des lésions, etc.) ainsi que des photographies montrant l’évolution de chaque malade. Si le Conseil Général accepte finalement l’idée, l’assemblée refuse d’engager des dépenses en faveur de ce projet. Es qualité de maire de Saint-Pol-sur-Mer décide donc de les regrouper dans un pavillon pour les malades nécessiteux qu’il possède à proximité de la plage, un établissement qui certes est en place mais qui ne fonctionne pas faute de subsides. Avec l’aide d’Alphonse Bray, fondateur de la station balnéaire de Bray-Dunes, qui possède d’ailleurs des terres et des dunes dans la commune saint-poloise, il fonde le sanatorium dont l’existence est provisoire. Or en France, ce qui est provisoire dure toujours assez longtemps.

En 1886, les filles rejoignent les garçons dans ce nouvel établissement qui est finalement financé par le Conseil Général à partir de 1890. Le succès dépasse les espérances du fondateur, il faut rapidement accueillir des enfants du département puis de l’Oise, de la Meuse, des Ardennes… Visionnaire, il estime que l’intervention à titre curatif est assez limitée et entreprend la création de séjours préventifs à dater de 1896.

Un établissement modèle

            Le sanatorium est son œuvre personnelle : il en dresse les plans et suit personnellement les travaux, ordonnant des modifications ou dirigeant les ouvriers sur le chantier (il fera d’ailleurs de même pour le sanatorium de Zuydcoote quelques années plus tard).

            Le sanatorium, en bord de mer, se présente sous la forme de trois bâtiments séparés et parallèles longs de 80 mètres de type Trollet (un pavillon de briques construit en 1889, un second en bois édifié en 1891 et un troisième bâti en dur en 1896), qui remplacent le « dispensaire » des premiers temps. Le dispositif est ingénieux : chaque bâtiment est longé d’une véranda vitrée afin de pouvoir circuler librement et la ventilation est assurée par de larges baies vitrées tout au long des salles.

            Le tout a alors une capacité d’accueil de 350 à 400 lits avec des salles de bains et des étuves pour assurer la désinfection.

            Il s’agit d’ailleurs d’un établissement modèle plusieurs fois primé, totalement autonome vis-à-vis de l’Hôpital de Dunkerque comme des structures de la commune. Il comprend une cuisine, une brasserie – on donne de « petite bière » d’un titre de 2 degrés d’alcool environ car l’eau est rarement potable dans la commune à moins de recourir aux citernes d’eau pluviales, et encore… - une boulangerie, une buanderie une conciergerie… Tout est fait pour assurer le confort des malades : un jardin potager, une prairie, une basse-cour et, luxes suprêmes, une école mixte confiée à une institutrice.

            Côté structures médicales, le sanatorium possède des blocs d’orthopédie ainsi qu’un appareil de radiographie après 1895. Enfin, quand il n’est plus possible de soigner sans opérer, il n’hésite pas à faire venir des chirurgiens lillois.

            Enfin, l’établissement est entièrement éclairé à l’électricité et possède le téléphone.

            Toute chose a une fin : le port de Dunkerque, voisin de quelques centaines de mètres, doit être agrandi, les élus en prennent la décision en 1900 ; il faut donc faire place nette et donc déménager. Georges Vancauwenberghe décide donc le déplacement à Zuydcoote où le nouveau sanatorium sera beaucoup plus grand : 80 hectares contre 4 à Saint-Pol, une capacité de 1.500 lit au lieu de 350-400 et une ferme (la ferme Nord) pour nourrir les pensionnaires… Cette augmentation des capacités d’accueil n’est pas inutile car, outre des malades individuels, Saint-Pol reçoit de plus en plus de colonies scolaires. Le transfert est décidé et se fait le 18 juillet 1910 en train, utilisant pour cela les infrastructures ferroviaires du port.

La municipalité vend le terrain en 1912 avec la plage pour les travaux d’agrandissement du port. L ‘année suivante, un terrain d’aviation est inauguré dans le voisinage immédiat des bâtiments du sanatorium puis la Grande Guerre survient. Le sanatorium devient une caserne pour accueillir les marins, les fusiliers-marins et surtout les aviateurs. A l’abandon après 1919, l’établissement se dégrade et est finalement abattu.

Quant à Zuydcoote, le sanatorium poursuit son fonctionnement de façon autonome en devenant sanatorium national en 1923 puis Hôpital maritime en 1971.
 

Un patron paternaliste et un élu progressiste.

            Georges Vancauwenberghe habite dans sa commune, comme patron puis comme élu, il est confronté à la misère d’une population ouvrière et encore en grande partie rurale dont il est – avec le port – le premier employeur. Généreux, il finance personnellement une grande partie des actions sociales qu’il met en place, il est moralement rigoureux. Son usine est recouverte de slogans et affiches appelant à la tempérance et au respect du travail. Il n’hésite pas à sanctionner les manquements de ses employés, qu’il s’agisse de la filature ou des infirmières du sanatorium, à l’image du licenciement de certaines qui ont manqué à leurs obligations en s’asseyant sur les lits des enfants pour chanter avec eux.

            Néanmoins, en fusionnant avec l’usine de son oncle fondée à Dunkerque, dans une société qui préfigure le futur Comptoir Linier, ses actions se multiplient : ne met-il pas en place une crèche et une société de secours mutuel à une époque où aucune loi n’obligeait les patrons à agir en ce sens et où l’Etat ne connaissait pas l’idée d’ « Etat-Providence ».

            Comme élu, il est profondément républicain, de « gauche non socialiste », l’on pourrait donc le rapprocher des centristes progressistes. La commune grandit vite sous son majorat, passant de 2.800 à 8.000 habitants entre 1877 et 1910 (on est loin des presque 24.000 résidents du dernier recensement). Les conditions de vie et d’hygiène étant difficiles (plusieurs épidémies nationales ont pris naissance dans la commune avant 1877), le travail ne manque pas. Ainsi, à partir de 1895, il finance sur ses deniers personnels un « œuvre de maternité » pour aider les femmes en couches et une « œuvre de soupe populaire » qui reçoit jusque 500 bénéficiaires par jour.

            En 1902 surtout, il met en place avec son ami Davenport la « Goutte de Lait », rue de la République, face à la rue Jean Bart. L’emplacement n’est pas anodin car elle se trouve dans la partie la plus peuplée mais aussi la plus industrieuse de la commune, face à la rue qu’empruntent ses ouvriers pour rejoindre sa filature. Les enfants en bas âge y reçoivent gratuitement du lait pasteurisé et il y installe une consultation de nourrissons.

            Es qualité de Président du Conseil Général, il crée un Préventorium à Wormhout pour les enfants pour qui les séjours en bord de mer sont contre-indiqués. Profitant de la démobilisation des armées, il investit les baraquements de l’hôpital militaire belge de Bourbourg. Le succès est tel qu’il est cédé en 1932 à la ville de Lille.

Georges Vancauwenberghe devient aux yeux d’une grande partie de la classe ouvrière un des symboles de l’action sociale et fut à juste titre plusieurs fois décoré et ses établissements primés. Il reste cependant très discret car si ses mérites sont reconnus, il est enterré au cimetière de Dunkerque « sans fleurs, ni discours, ni couronnes » et garde aujourd’hui encore une place particulière dans la mémoire de sa commune.
 

François HANSCOTTE